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  • Caline Reynier

Un exemple de vie à une cinquantaine de kilomètres de Moscou

Nous quittons la campagne russe, paisible avec ses forêts à perte de vue pour rejoindre la trépidante Moscou. En bordure d’une route, une petite chapelle tout en bois attire notre attention.

A proximité une magnifique maison entièrement bâtie en rondins nous rappelle les maisons des Vieux-Croyants de Tarbagataï, mais cette fois la maison est grande avec un étage chose rarissime en Sibérie à cause du gel.

Evguenii a déjà rencontré les habitants de cet endroit insolite et nous promet une rencontre hors des sentiers battus.

Notre hôte, Alexandre, des yeux bleus pétillants encadrés par une barbe hirsute et chaussé de grandes bottes nous accueille chaleureusement pour une visite guidée de sa maison et la présentation de ses activités.

Ce village dans lequel Alexandre est établi date du XIV e siècle. Il est le seul habitant à occuper les lieux toute l’année. Les autres maisons sont les datchas des moscovites.

Les travaux ont démarré il y a environ vingt ans, aidé par une dizaine d’amis c’est d’abord la chapelle qui a vu le jour pour protéger les futurs occupants, porter bonheur et prier.

La maison est bâtie avec des rondins de sapin énormes et tout est conçu pour ne pas recevoir le soleil directement afin de protéger le bois.

La famille vit en autarcie, de pêche cueillette, cultive le potager, par contre Alexandre se refuse à chasser les animaux dans la forêt.

Tout ce que la famille utilise dans la maison pour la vie quotidienne est fabriqué des mains de ses habitants et sont aussi vendus dans les marchés et les foires.

Dans plusieurs recoins de la maison Alexandre nous montre avec fierté des nids d’hirondelles avec pour la circulation des oiseaux des ouvertures permanentes.

Alexandre d’une grande hospitalité aime partager avec ses hôtes son expérience, son savoir et sa conception de la vie.

Une de ses passions est la céramique. Les murs de la cuisine sont décorés de nombreux objets en céramique conçus d’après des méthodes venues de France, d’Italie et d’Espagne. Ces magnifiques objets souvent uniques sont aussi vendus dans des foires.

Des icônes sont entièrement cousues et cette méthode demande des années de travail avec l’aide quotidienne de plusieurs personnes.

Des passionnés du monde entier séjournent pour confectionner ces représentations. Parfois le travail ne convient plus et les fils sont entièrement défaits. Il faut passer six fois l’aiguille pour coudre un millimètre.

Les artistes trouvent ici le gite et le couvert et peuvent s’adonner à la confection de ces œuvres uniques.

Les seuls jouets que possédait Alexandre dans son enfance sont un petit cheval en bois et un ballon.

De tels petits chevaux sont confectionnés en bois de tilleul par un apprenti installé dans un atelier que nous visitons et sont vendus sur les marchés.

Alexandre a étudié à l’université de Moscou mais son grand père dans son enfance l’a initié à l’artisanat, à la confection des skis et autres objets d’art.

Alexandre nous confie son histoire.

Son arrière-grand-père, ingénieur de formation et artisan a été en 1937 déporté avec interdiction de correspondance. Dans le camp les pieds d’une tablé étaient cassés. Il se propose pour les réparer en contrepartie on lui annonce qu’il sera fusillé le lendemain.

Mais la sanction n’est pas exécutée et avec cinq cents savants, ingénieurs, professeurs il est envoyé à Vorkouta dans le nord de la Russie.

Après trois mois d’un voyage épuisant à nouveau les prisonniers sont rassemblés et cette fois la question est de savoir qui sont ceux qui savent fabriquer des skis est posée.

L’arrière- grand-père d’Alexandre est le seul à faire un pas en avant. Il survivra dans un de ces camps appelé « la guillotine gelée » et tous les autres détenus mourront.

Seul survivant de ce camp grâce au travail qu’il exécutait à proximité d’un poêle indispensable à la confection de skis et à la colle préparée à base de gras de poisson.

Tout peut arriver dans le monde lui disait son grand-père et il est bon d’avoir plusieurs cordes à son arc et de maîtriser l’artisanat et de savoir fabriquer des skis.

Après la visite de toutes les pièces de la grande maison, du banya habité par le fils d’Alexandre et de l’atelier de fabrication des petits chevaux nous contournons un bateau qui vient des iles Kiji et nous rentrons dans la minuscule chapelle tellement accueillante.

Merci Alexandre pour cette convivialité, ce partage et cette rencontre.

Merci Evguenii de nous avoir permis de rencontrer ce personnage qui nous a plongé dans un autre monde et nous a fait traverser une période de l’histoire russe.

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