« Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine », une exposition qui ne désemplit pas. Ouverte le 22 octobre 2016 et reconduite jusqu’au 5 mars, elle rassemble pour la première fois la collection dispersée de Sergueï Chtchoukine.
Cet homme d’affaire russe avait collectionné en son temps les plus grandes œuvres des peintres résidant en France au début du siècle. Scandaleux alors, adulés aujourd’hui, on découvre ces tableaux longtemps dissimulés suite au décret de Staline de 1946. Propriété des musées Pouchkine et de l’Ermitage, jamais depuis leur création elles n’étaient revenues en France.
A l’occasion de cette exposition, la Fondation Louis Vuitton a également fait déplacer quelques tableaux de l’avant-garde russe. Ceux-ci répètent un dialogue entretenu avec cette collection d’art moderne du début du siècle. Car les jeunes peintres avant-gardistes passaient leurs dimanches aux portes ouvertes du Palais Troubetskoï, s’imprégnant de ces nouvelles façons d’envisager le monde et d’exprimer son art.
Le Palais Troubetskoï, c’est la résidence offerte à Chtchoukine par son père pour le remercier d’avoir fait prospérer les affaires familiales au point qu’on le surnommait à l’époque « le ministre du commerce ». Dans ce palais, il entrepose sa collection de tableaux. Acquise entre 1898 et 1914, la collection compte 257 œuvres, dont 16 Gauguin, 38 Matisse, 50 Picasso ainsi que quelques Monet, Cézanne, Van Gogh et autres peintres connus.
A l’époque le Palais est déjà organisé en salles d’expositions ; une salle entière est consacrée à Picasso, une autre à Matisse. Le peintre était par ailleurs un grand ami de Chtchoukine qui était son mécène et lui a notamment fait la commande de deux immenses toiles pour son escalier qui n’ont pas pu être déplacées : La Danse et La Musique. A cette époque, les goûts de Chtchoukine sont incompris de ses contemporains ; lui-même dira en parlant d’une toile de Gauguin : « Un fou l’a peint et un autre fou l’achetée. »
La vie de Chtchoukine est une suite de tragédie. Sa femme meurt du cancer et deux de ses fils ainsi qu’un de ses frères se suicident. L’année 1917, il décide de s’exiler en Allemagne avec sa nouvelle compagne, son fils ainsi que sa fille. Il meurt à Paris en 1936.
En Russie, le Palais Troubetskoï dont il n’a pas vidé les murs est réquisitionné par la ville qui en fait un temps un musée. Cependant, ce respect pour les œuvres issues de l’individualisme occidental ne dure pas. Les peintures frôlent la dispersion et l’anéantissement avec le décret de Staline en 1946 avant d’être réparties entre le musée de l’Ermitage et le musée Pouchkine.
Si le projet de Chtchoukine de voir le Palais Troubetskoï devenir un musée de l’art moderne n’a jamais vu le jour, la réunion d’une partie de sa collection – 130 œuvres – dans le cadre de l’exposition « Icônes de l’art moderne. La collection Chtchoukine » en partenariat avec les musées en Russie, constitue une occasion inoubliable de comprendre l’art de cette époque.