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  • Philie Arnoux

Baron de Staël né à la forteresse de Pierre et Paul


Après notre article sur les œuvres de Nicolas de Staël exposées à Antibes, nous nous devions d’écrire quelques mots au sujet de ses origines. Expatrié, ballotté de pays à en pays pendant des années, quelle a pu être son enfance ?

Né au début de l’année 1914 selon calendrier grégorien dans la forteresse de Pierre-et-Paul, le nom complet de Nicolas se décline ainsi : baron Nikolaï Vladimirovich de Staël von Holstein. Consonance de prénoms russes et un nom de famille allemand qui sonne familièrement aux oreilles françaises… Et si on remontait un peu dans le temps pour comprendre ?

Le haut des branches de l’arbre généalogique des de Staël nous ramène jusqu'au XIIIe siècle, dans une province d’Allemagne appelée Holstein. A cette époque, les nobles participent aux croisades pour évangéliser les pays baltes. Les de Staël y participent et s’y installent. Quand la Suède conquiert ces territoires en 1571, ils deviennent tout naturellement suédois. Puis, quand Pierre le Grand se propose de faire de même en 1710, la famille Staël se sépare en deux branches : une suédoise, d’où est issue notre Madame de Staël, la célèbre philosophe française née en 1766, et une russe. Nicolas de Staël descend de cette dernière.

Le mystère concernant son nom étant résolu, nous pouvons à présent nous pencher sur une ascendance plus directe à savoir, qui était son père.

S’étant illustré lors de la guerre de Crimée menée contre les Turcs en 1877-79, Vladimir Ivanovitch de Staël von Holstein a bien failli ne jamais dépasser le rang de capitaine. Cela à cause de d’une malheureuse affaire d’encrier qui aurait heurté par inadvertance la tête d’un de ses supérieurs. Cela dit, vingt-cinq ans plus tard, Vladimir est de nouveau dans la course et il est promu au rang de général puis nommé vice-gouverneur de la forteresse de Pierre et Paul – à l’époque prison d’Etat. Il se remarie avec une femme vingt-deux ans plus jeune que lui ; peintre et musicienne, divorcée et indépendante, Lubov Bérednikov est issue d’une famille de grands musiciens. Elle lui donne trois enfants. Ensemble, ils logent dans un hôtel particulier de la forteresse jusqu’à la révolution de 1917, au moment où les Bolcheviks s’en emparent. Après l’abdication de Nicolas II, le général est mis à la retraite par le gouvernement provisoire et il quitte la Russie avec sa famille pour s’installer à Ostrow en Pologne, où il a une vieille amie, Ludmila von Lubimov. Là-bas, la famille vit dans la misère. Vladimir meurt en 1921 et Lubov le suit en 1922. Les enfants se retrouvent sous la tutelle de Ludmila von Lubimov qui n’est pas, semble-t-il, la personne la plus responsable qui soit. Elle voyage, elle joue, elle s’approprie les bijoux précieux laissés par la mère des enfants et finit par les confier à une famille belge, les Fricero en 1923. Plus tard elle les invitera tout de même à passer l’été dans certaines de ses villas.

Les Fricero prennent grand soin des trois enfants, les inscrivant dans les meilleures écoles. Malgré leurs réticences, ils acceptent que Nicolas entre aux Beaux-Arts et à l’Académie Royale. Les visites dans les musées, les rencontres et les voyages poussent toujours plus le jeune homme vers la peinture et la création. Lorsqu’il rentre du Maroc avec Jeannine Guillou pour s’installer à Paris, il s’éloigne de sa famille d’accueil.

Demeuré en France, il devient le protégé de Jeanne Buchet qui lui présente les plus grands (Picasso, Kandisky, Braque…) et qui l’expose même chez elle pendant et après l’occupation. Pendant la guerre, il est contraint de peindre sur des draps par manque de matériel et de brûler les marches de son escalier pour se chauffer. Lorsqu’elle se termine, Jeannine meurt et il se remarie avec Françoise Chapouton. Il se lie d’amitié avec René Char pour lequel il réalise des illustrations pour un recueil de poèmes. Sa renommée croît doucement avant d’exploser en 1953, lors d’une exposition dans la galerie Knoelder à New York en 1953. Ses toiles se vendent à très bons prix. Pourtant, il met fin à ses jours l’année suivante à Antibes en sautant de sa terrasse après avoir éloigné sa famille pour vivre un amour malheureux avec une femme mariée.

Nous qui contemplons ses œuvres après sa mort, quelle place doit-on accorder à ses origines russes dans son art ? Une icône peinte à ses débuts comme un hommage, l’influence des mosaïques byzantines qui effleurent ses origines, comme un lien avec l’orient… Dans la plupart de ses œuvres cependant, il est inutile de chercher une référence directe à la Russie. Peut-être est-elle présente en faux dans certaines couleurs, dans la dynamique des traits de son pinceau, dans cette rage de peindre, ce génie créateur qui donnait vie à son art. En observant avec attention ses peintures, chacun trouvera sa propre réponse.

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