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  • A. Tchoubarov

14-18 et les russes: La première bataille des Gardes-du-corps du 1er régiment d’Infanterie de Sa Maj

A la mi-août, le régiment se trouvait dans un camp aux environs de Varsovie, à Makotovo Pole. Auparavant, nous étions à deux étapes de Varsovie, et n'avions nous même pas encore rencontré l'ennemi ; nous avions par contre entendu des tirs de nos détachements de cavalerie. Nous devinâmes vers où nous allions nous diriger, vers la Prusse Orientale ou vers Lublin, où se déroulaient dès ce moment des combats plus intenses contre les Autrichiens, où se trouvaient les 1ere et 2e divisions de la Garde. Même lorsque nous commençâmes à embarquer dans le train à la gare de Praga, nous ne connaissions pas notre destination, et ne l'apprîmes que le train démarra. On nous envoyait sur le front autrichien. Nous étions déjà au courant des déboires de la IIe Armée en Prusse Orientale, mais on entendait les rumeurs les plus fantastiques. Vers Lublin, des combats se déroulaient, on arrêtait l'attaque des Autrichiens, et l'on attendait que commence notre offensive. Le 23 août au matin, nous arrivâmes à Ivangorod, et, après avoir déchargé, nous entrâmes dans la ville de Nouvelle Alexandrie où nous passâmes la nuit ; tôt le matin nous nous dirigeâmes vers D..., nous disposant en arrière – front de nos forces. Le transfert fut long, et ce n'est que tard dans la soirée, dans l'obscurité, que nous arrivâmes à D... Un peu plus tôt, avant la tombée du jour, nous avions vu des éclairs de tirs d'obus, et entendu des tirs d'artillerie., et dans le village, on entendait distinctement des tirs de fusils. Au matin commença notre attente. La bataille était devant, et l'on pouvait entendre, soit intermittents, soit plus fournis, le feu des fusils, devant nous on ramenait des blessés, et nous étions dans la plus totale impatience de savoir quand et où l'on nous enverrait. A la fin, le commandant du bataillon réunit tous les officiers, et nous informa que, après avoir rapidement fait manger la troupe, nous sortirions sur le village de Kamen pour attaquer l'ennemi à l'aube c'est-à-dire demain, c'est-à-dire que pour le 26 août était prévue l'attaque générale sur tout le front. Pour aller au village de Kamen nous devions y aller non tout droit, mais en le contournant, en se cachant dans les forêts, de façon que notre arrivée soit dissimulée à l'ennemi contre lequel il n'y avait encore dans le secteur de ce village que notre cavalerie. Pour soulager les fantassins lors de la marche, car le transfert était de 28 à 30 verstes, on prit dans les villages voisins de longues charrettes polonaises, on les répartit dans les compagnies, et on y disposa les et les manteaux roulés. Nous avancions par des chemins de traverse, presque toujours dans la forêt. Ce n'est que vers les 7 heures du soir que de notre chemin forestier nous débouchâmes sur une grande clairière découverte du côté de l'ennemi. Nous fîmes à cet endroit une halte d'une heure et demie. Les fantassins contournèrent la clairière par la forêt, tandis que le train des équipages et le convoi étaient disposés en file indienne. C'est là que nous accueillit le capitaine Kir..., du régiment de l'ordre de Voznessensk . Il nous fit pendant la durée de la halte un rapport très détaillé des positions de l'ennemi autour du village de Kamen où un escadron adverse occupait des positions défensives. Il s'est avéré ensuite que son rapport sur la disposition des troupes ennemies était exact, bien qu'il eût exagéré la force de ses positions défensives. Ainsi il nous évoqua des postions défensives avec des terriers de loup et protégées de barbelés, alors qu'en fait il n'y avait que de simples tranchées. Nous fîmes manger les soldats, puis nous continuâmes plus loin, alors qu'il faisait déjà sombre. Je ne me souviens pas quelle heure il était quand nous arrivâmes à D... , où nous nous arrêtâmes en attendant d'occuper les points de départ. Ces jours là, c'était comme si le temps n'existait pas, et, dans mon souvenir, il n'y avait que l'alternance des jours et des nuits pour le rythmer. Dans la journée je regardais ma montre, c'était machinalement, oubliant aussitôt quelle heure il était. De la même façon, je ne souviens pas combien de temps nous restâmes dans ce village, je me souviens seulement que ce fut long, et que nous n'avons presque pas dormi. Tout le monde était tendu par la proximité de l'ennemi et du combat. Notre régiment devait attaquer sur le flanc droit, en partant de la rivière Visla, à notre gauche se trouvait le 2e régiment d'infanterie du Tsar. L'artillerie était sur notre secteur, de même que la Division d'artillerie d'infanterie de la Garde, et une batterie de cavalerie. Le commandant du régiment répartit notre secteur entre les différents bataillons. Sur le flanc droit de la Visla, le 1er bataillon, ensuite, le 2e. Et, avec la section des mitrailleuses (2 mitrailleuses), ma position de départ du 2e bataillon se trouvait sur le flanc gauche ; à ma droite se trouvait la 6e section, nous commençâmes à occuper nos positions de départ avant l'assaut. Nous tirâmes en silence les mitrailleuses et les cylindres, il faisait encore sombre, nous passâmes devant le poste de garde de cavalerie, puis nous nous arrêtâmes à l'abri de buissons. Devant un champ. Depuis la compagnie, on envoya des éclaireurs. Il apparut que le plus pénible pour surmonter l'assoupissement n'était pas de monter la garde dans l'attente d'avant l'aube, mais bien ici, où, malgré la tension nerveuse, on commençait à piquer du nez. Mais voici des tirs du côté de notre artillerie, le jour commence à poindre, je vais vers Schmidt, sa section est là, dans les buissons, en attendant le retour des éclaireurs, ils devraient revenir incessamment. On entendit en même temps que devant, les autrichiens avaient ouvert le feu. C'est évident. Et voici que revient un groupe d'éclaireurs, mais ce ne sont pas les nôtres, ce sont des hommes du 2e bataillon, l'un d'entre eux est blessé à la main. Puis quelques minutes plus tard, les nôtres. En mots confus et précipités, ils nous expliquent où ils ont vu des ennemis, qu'ils n'ont vu que des camouflés qui, après leur avoir tiré dessus, ont reculé plus loin vers leurs positions. Mais voici l'heure indiquée de l'assaut. « Avec Dieu » nous rejoignons nos places. Je m'approche des mitrailleuses ; mais nos places avec Dieu, c'est devant qu'elles sont. J'enlève ma casquette, je me signe. Les soldats suivent mon exemple. Sortis des buissons, l'ennemi n'est pas encore visible. Devant, le champ est en légère montée, puis il redescend ensuite vers la forêt. En face de nous, face à cette forêt doit se trouver l'ennemi. Pour l'instant on ne voit que le sommet du champ. Les mitrailleurs de ma section sont sur le flanc gauche du 6e bataillon. Nous nous déplaçons comme à l'exercice, bataillon par bataillon, sections, sous-sections, et individus. Tous sont d'humeur grave, et voici que devant les rangs bondit un lièvre, personne ne s'écrie. On était à la manœuvre, trainant ses pieds pour rester en ligne, et il a suffi qu'un lièvre détale, la danse commence, tous s'élancent en avant dans un cri. On commence à découvrir ce qu'il y a derrière la crête dans le champ en pente vers la forêt, et aussitôt les balles se mettent à siffler, au début elles ne font que siffler, puis elles tombent dans la terre tout près devant notre ligne avec un bruit mat. Au loin, devant la lisière du bois, sur quelques emplacements espacés de plus de 200 pas l'un de l'autre, on distingue non pas des tranchées, non pas des fortifications isolées, on les voit maintenant tout à fait bien, toutes jaunes et qui se détachent nettement sur les rayures du champ. A part cela il n'y a absolument rien à voir. A mesure qu'on avance, les balles frappent plus souvent, j'ai un desservant de blessé. Notre artillerie bombarde la forêt et sa lisière depuis laquelle la batterie ennemie nous tire dessus. Nos lignes ouvrent le feu, tirant sur ce qu'on voit, c'est-à-dire les tranchées distinctes. On a l'impression que les Autrichiens sont cachés, et que ce n'est pas le bon objectif, mais on n'y voit plus rien, et bon gré mal gré, les fantassins y vont. Je regarde attentivement à la jumelle, je ne peux rien distinguer. Jusqu'à ces tranchées il reste 1200 pas, et ils tirent sur nous comme s'ils étaient beaucoup plus près Voilà que déjà nos lignes ont stoppé, on ne peut plus avancer. Dans nos lignes il y a des blessés, je vois quelques blessés dans la 6e compagnie pas très loin, tout près, un avec la poitrine ouverte, plein de sang et qui hurle, j'entends les remarques d'un soldat : « les brancardiers sont des salauds, ils sont cachés à l'arrière, y a un type qui meurt, faut tout de même faire quelque chose. » Je recommence à observer à la jumelle. Positivement, ce ne sont pas des tranchées : d'abord je ne vois pas de talus ( ?) et, dans cette terre sèche, ils devraient être très clairement visibles. J'examine successivement tous les monticules et buissons qui me semblent dangereux, on ne voit rien. Un vieux fantassin réserviste barbu venait en aide à tout le monde. Il était arrivé en rampant de je ne sais où à ma gauche, je l'ai vu seulement quand il s'est approché tout près. « D'où tu viens, barbu ? » - « Des éclaireurs, votre Haute Noblesse. » « Eh bien qu'est-ce que tu as vu ? » - « J'ai vu des tranchées doubles, mais ce n'est pas sur elles que les nôtres tirent, elles sont plus à gauche ». « Où ? » Je regarde dans la direction qu'il m'indique. « Là-bas, dans les pommes de terre ». Effectivement, à notre gauche il y a quelques rangées de pommes de terre, mais je n'y distingue rien. « Tu peux apporter une mitrailleuse ? » « Bien sûr que je peux » Il l'apporte, et il dit : « juste au milieu de la rangée du milieu, là où il y a une touffe d'herbe qui se balance, c'est là les tranchées. »

L'arpenteur définit une distance de 3 ½ ; je donne quelques ordres, en faisant tirer devant, puis derrière, et tout à coup, la poussière de la terre du parapet jaillit de façon visible. Un tir dispersé et déjà, pas de doute, c'est la tranchée. Sur le champ, je donnai à la 6e compagnie la hausse, et la consigne : orientez vous sur l'origine des tirs, là où est l'ennemi. Le moral sur la ligne commence à évoluer, en premier lieu le feu ennemi s'affaiblit, et enfin on trouve d'où cela tire. Pendant ce temps là, le 2e régiment du Tsar à ma gauche avance de quelques centaines de pas, avec sur son flanc droit 4 mitrailleuses, avec le lieutenant Tkatchev. Voyant les impacts de nos tirs, il ouvre aussi le feu en tir dispersé, et la musique des mitrailleuses de la 6e se met en route. A ce moment notre artillerie était parfaitement réglée, elle avait déniché les tranchées autrichiennes et commençait à les foudroyer. Des coups de feu crépitaient de joie en voyant les explosions magnifique de nos obus. Je voulais poursuivre plus avant plutôt que de continuer à traîner là, mais aussitôt que la première mitrailleuse s'est levée, un projectile détruisit le carter de refroidissement, et blessa le premier pointeur. On avança un peu, et au même moment où j'avançai avec l'autre mitrailleuse, les mitrailleurs me crièrent : « votre haute noblesse, regardez : ils courent, ils courent. » Je levai les yeux, et vis au milieu des éclats d'obus de notre artillerie, en deux ou trois endroits, différents groupes d'Autrichiens qui, jaillissant des tranchées, se sauvaient vers la forêt, et juste après je vis comme toute la tranchée était recouverte de silhouettes bossues d'Autrichiens, - à cause de leurs sacs monstrueux – et tout cela s'élançait vers l'arrière. Je pus seulement commander « feu ! », criai à la mitrailleuse touchée « feu ! », allume le canon de la pièce, et feu tant qu'elle voudra fonctionner. Il ne fallait pas perdre de secondes pour de telles choses, mais je ne pus pas tirer longtemps, et, face à la fuite de l'ennemi, une sorte de courant électrique parcourut la ligne, tout ce qui était à ma droite se leva, hurla « Hourra ! », et courut après les ennemis en fuite. Je ne pouvais déjà plus continuer à tirer, tout bougeait, cédant à l'avance à gauche et sur l'aile de la ligne. Nous nous jetâmes à la poursuite des fuyards, mais il n'est pas facile de courir avec une mitrailleuse. Nous nous sommes précipités en criant « Hourra » jusqu'à 800 pas des ennemis, et, jusqu'à ce qu'il eût couru jusqu'à la lisière, nos fantassins les eurent presque rattrapés. La 6e compagnie (Capitaine Rogozine) prit la batterie d'artillerie des Autrichiens sur l'orée du bois.

Ce que nous avions pris plus tôt pour des tranchées s'est révélé être de la paille ; de toute évidence il y avait là des meules de paille et les Autrichiens, pour masquer leurs tranchées, ont construit de fausses tranchées en paille. A présent cette paille était transformée en poussière, quelqu'un y mit le feu en courant devant. Ma section courait en avant, mais nous étions déjà loin derrière tout le monde. A ce moment, de notre côté, notre artillerie ouvrit le feu sur nous, et ce feu causa de nombreuses pertes. Notre division d'artillerie refusa de reconnaître sa faute, expliquant qu'il s'agissait d'une batterie de secours qui se trouvait sur l'autre rive de la rivière Visla, qui ne cessa le feu que quand le lieutenant Kolobov, ayant traversé à la nage la rivière Visla, ordonna le cessez-le-feu. Et il fut lui-même témoin du fait que des explosions basses particulièrement réussies de shrapnells ont démoli les rangs de nos fantassins. Cela produisit une impression épouvantable, et aboutit à anéantir tout le succès de la préparation de l'attaque.

Mon détachement reprit des forces dans les pommes de terre, roulèrent avec peine les mitrailleuses et les cylindres à travers le champ semé, et les amenèrent péniblement jusqu'aux pommes de terre. J'accordai un petit repos et en profitai pour visiter la mitrailleuse endommagée. Voyant qu'elle ne pouvait plus fonctionner, je l'envoyai à l'arrière pour la faire réparer au plus vite, car nous avions dans notre équipe un mécanicien. Ayant réuni toutes les provisions de cartouches nous les confiâmes aux desservants de l'autre mitrailleuse. C'est alors que je remarquai la chose suivante : en avant, les derniers soldats se battaient déjà dans la forêt. Il s'y déroulait une fusillade désordonnée, de temps en temps les mitrailleuses crépitaient, tout cela étant couvert par les « Hourra » tonitruants des Russes. Comme je l'ai déjà dit, tous s'étaient portés à gauche lors de l'attaque, et les combats, cachés par la forêt, se poursuivaient à gauche. A ma droite et en avant se trouvait une terrasse surélevée de forêt, et de là-bas on tirait sur nous, et aussi sur ceux de devant, vers la lisière. A l'évidence il y avait encore des opposants. De temps en temps on recevait de là-bas des tirs, et on entendait autour de moi des balles s'écraser. J'envisageai la situation de la façon suivante. Là où se déroulaient les combats en forêt, c'était déjà trop tard pour moi, et nous n'aurions rien à y faire. Si l'ennemi dispose ses forces à ma droite, il peut sortir sur nos arrières, ou simplement occuper toute la lisière, renforcer sa position sur la lisière à notre flanc. S'étant avancé le plus près possible de la terrasse forestière, et après l'avoir arrosée de tirs, je préviens déjà nos bataillons qui se trouvent dans la forêt qu'ils ont encore de l'ennemi sur leur droite, et que je vais empêcher l'ennemi de sortir de la forêt. Je pris cette décision et commençai à avancer sur la droite avec la mitrailleuse restante, mais en s'arrêtant de temps en temps pour tirer au canon sur la droite.

Beaucoup plus loin à ma droite, il n'y avait que des soldats isolés, et on voyait bien comme ils se démenaient dans la forêt, sortaient en courant sur la lisière pour tirer, puis rentraient se cacher à nouveau. Ce n'était que depuis la terrasse proéminente de forêt que le feu était de plus en plus fort. A la mesure de mon avancée sur la droite, nos fantassins aussi, visiblement, se répandaient sur la droite. Voilà que j'arrivai déjà à la limite prévue, à savoir justement un fossé. J'y plaçai la mitrailleuse. A ce moment à droite devant moi surgit un groupe de fantassins, régiments et bataillons mélangés, environ 20 hommes, avec eux deux jeunes officiers, pas de notre régiment. Ayant aperçu ma mitrailleuse, et comme juste à ce moment éclatait une fusillade sur la terrasse en avant à ma droite, ils se dirigèrent vers moi. Les officiers étaient très énervés, et criaient à qui mieux mieux : « le bois est rempli d'Autrichiens, nous ne pourrons rien sans soutien, il faut du renfort. »

Au même moment arriva vers moi l'un des ordonnances du commandant du régiment, il me demanda où était le commandant du 1er bataillon. Je l'envoyai vers la forêt, et lus l'ordre du commandant selon lesquels il ne fallait rendre en aucun cas l'une des positions conquises, et tenter d'avancer encore. Ensuite, m'adressant aux fantassins, je dis très fort : « le commandant du bataillon a ordonné de ne pas reculer, je reste ici, et je ne bougerai pas d'ici vers l'arrière, et à qui il faudrait des renforts... (sous – entendu, formule impolie qu'ils aillent se...) ...» Quelques uns de nos fantassins du régiment de Sa Majesté s'écrièrent « Moi non plus je n'irai nulle part, je ne pars pas, et nous ne partons pas, nous resterons avec vous, Votre Haute Noblesse. Déjà tous criaient. J'avais disposé la ligne le long du fossé juste avant, on n'entendait plus aucun coup de fusil nulle part, la forêt était silencieuse ; de l'endroit où avait retenti la fusillade et les Hourra, un cor sonnait le rassemblement, et je vis à ma gauche des fantassins qui se rassemblaient sur la lisière. Je vis les officiers du 1er bataillon. Je me dirigeai vers eux. Je vis quelques fantassins. Ils portaient quelqu'un. Derrière eux avançait l'adjudant-chef du 2e bataillon, le sous-enseigne Jiltsov, et lui criai « qui portent-ils ? ». Il me répond : « le capitaine Chesterikov est gravement touché au ventre. » Je fonçai au rassemblement pour avertir qu'à notre droite il n'y avait rien, et ce fut la dernière fois que je vis Grigori Alexandrovitch Chesterikov.

J'allai trouver Zvolianski, et lui rapportai mes observations. Le baron Taube me donna aussitôt quelques fantassins, et m'envoya surveiller la lisière à droite jusqu'au bout. J'appris que Brzejnitski et Deveritski étaient blessés, et que Dimitri Kochko serait mort, ce qui s'avéra faux. J'examine rapidement la lisière. Je ne trouve rien, à part quelques blessés et tués autrichiens. Dans la forêt à droite avançait déjà le 3e bataillon de gardes du corps du 3e régiment de fantassins de Sa Majesté, commandant du bataillon Capitaine Kolobov, nous nous saluâmes, et je partis à la rencontre du 1er bataillon auquel j'étais maintenant rattaché, et auquel je remis ma mitrailleuse. Le Colonel Zvolianski me dit où les trouver, ils devaient traverser rapidement la forêt en bon ordre, et avancer plus loin. Dans le sous-bois je fus impressionné par un spectacle, qui ne peut s'effacer de ma mémoire jusqu'à présent : devant moi la clairière, et dans la clairière quelques autrichiens, une division à peu près. Deux d'entre eux, debout, étaient appuyés contre un arbre, quelques un à genoux, les autres allongés. Tous étaient des cadavres, tués sur place par l'explosion d'un obus et absolument morts. L'un de ceux qui étaient appuyés sur un arbre était complètement sans tête. A un agenouillé il manquait la moitié du crâne, de façon que d'un côté on distinguait les traits de son visage de profil, et de l'autre des os et des lambeaux de chair pendants. Ce tableau était épouvantable. Ce n'est que plus tard que je lus dans des journaux médicaux des exemples de mort subite, et je compris alors que c'était ce que j'avais vu ce jour là. Rejoindre vite le bataillon. Commencèrent les questionnements, les récits. Zvolianski me raconta qu'au début, dans la forêt, ils chassaient les Autrichiens, mais qu'ensuite, beaucoup se dispersèrent et se perdirent, tirant sur les Autrichiens, mais pouvant tomber sur les nôtres en arrivant du côté opposé. Il décida de rassembler le bataillon et ordonna de sonner le rassemblement. Vinrent à lui les sections 2, 3, et 7.comme cela avait été prévu à l'exercice à Tsarskoye Selo. Les sections se regroupent avec le bataillon dans le secteur où elles se trouvent, c'est pourquoi la 7e section continua avec le 1er bataillon.

Zvolianski et Bogouchevitch racontèrent : « Ton Ganitchev, un héros, imagine le à la croix, nous sortons de la forêt dans la clairière, en face il n'y avait personne, et tout d'un coup les autrichiens se jettent sur nous dans une attaque, c'est si inattendu, je ne sais pas d'où ils sont sortis, les fantassins ont reculé, les mitrailleuses ne sont pas rechargées, et Ganitchev ne s'est pas démonté, et juste sous le nez des Autrichiens il ouvre le feu, tout en même temps, bravement, et les fantassins montèrent à l'assaut. Ganitchev était le commandant du 4e détachement de mitrailleuses, et il était le sous-officier d'apparence le plus minable. A la guerre il s'est montré excellent, et ne s'est pas troublé. Par la suite il m'a lui-même raconté comment ses mitrailleurs étaient prêts à jeter les mitrailleuses, et il les a lui même, selon ses propres mots, suppliés : « Mes frères, au nom de Dieu, ne les jetez pas ! », et ils ouvrirent le feu quand les Autrichiens voulaient déjà se saisir du canon de la mitrailleuse. »

On arriva dans un petit village en forêt. Tous avaient très envie de boire, la soif était ardente, on n'avait rien bu toute la nuit. On se précipita sur le puits mais quelqu'un répandit le bruit qu'il était empoisonné, personne ne but. En dispositif de ligne nous continuâmes plus loin. La forêt était finie, et sur la colline en face, un village. Nous observâmes à la jumelle, aucun ennemi en vue, arrivés à la limite du village, se déversent tous les habitants, nous entrons dans le village. Tous les polonais apportent des pommes de terre cuites, du pain, des œufs, en se plaignant qu'il n'y en a pas beaucoup parce que les Autrichiens ont tout pris. Ils racontent comment les Autrichiens se sont « carapatés ». Les soldats n'ont pas vraiment envie de manger, tous soufrent de la soif. Le puits est très profond, et il semble qu'il faille une éternité pour en tirer de l'eau, mais voilà, tous en ont bu un peu, et nous repartons plus vaillants, sans fatigue. Comme je l'ai déjà dit, ce jour là, on ne faisait plus attention au temps, et je suppose qu'il était dans les 5 heures du soir. Au village suivant, nous reçûmes l'ordre de laisser passer devant le 3e régiment de fantassins des Gardes du corps de Sa Majesté, et d'aller pour notre part au village de Kamen. Une heure avant le crépuscule, nous sortîmes du village et il faisait déjà tout à fait sombre quand nous entrâmes dans Kamen. Quand nous arrivâmes au rassemblement, nous vîmes assis à table Dmitri Kochko, sain et sauf, et en fûmes très heureux. Le 2e bataillon était déjà là. Ce n'est que là, après avoir mangé comme il faut, et partagé nos impressions que nous sentîmes la fatigue. Lebedev avait eu ses jumelles cassées par une balle dans leur étui qui pendait sur sa poitrine, et cela lui avait sauvé la vie. La mitrailleuse endommagée était déjà réparée. Le commandant du régiment était très content de la bataille. Le jour suivant, dès le matin, nous continuâmes, pour aller plus loin. Devant nous le 3e de gardes du corps et le 4e de la famille impériale, et nous et le 2e passions dans la réserve. Je ne me souviens pas comment je me suis endormi, certainement aussitôt couché, parce que tous ne ressentaient plus rien que la fatigue. Le lendemain matin, vaillants, nous repartions plus loin. Nos pertes pour la première bataille auraient été insignifiantes s'il n'y avait eu celles de notre artillerie. Nous avions pris aux Autrichiens leurs batteries et des centaines de prisonniers.

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