Philippe Koutseff, président de l'association Amitiés russe de Provence nous a confié un texte dactylographié, écrit par son père, témoignage de sa bonne intégration. Ces quelques pages nous plongent dans les destins des jeunes russes happés par la révolution et qui malgré les difficultés de l'émigration ont su conserver les valeurs de l'ancienne Russie. Renseignements et certificats sur papier joints à la demande rédigée sur papier timbré
KOUTSEFF André Voici mon curriculum vitae Je suis né à Tiflis (Caucase, Russie) le neuf juillet 1903 (26juin 1903 du calendrier russe). Je suis chrétien de religon grecque-orthodoxe. Mon père, Alexandre Andréevitch KOUTSEFF était Médecin-Colonel de l'Armée Impériale russe; ayant achevé ses études à l'Académie militaire de Médecine de st Petersbourg, il voulait y préparer son agrégation, mais dut y renconcer, sa santé l'obligeant à assurer un Service de Médecine dans un hôpital Militaire dans le Caucase.
Elevé d'abord à la maison, j'ai dû interrompre mes études secondaires et me séparer de mes parents à l'âge de 14 ans, car le traitement de mon père, qui était dans l'Armée blanche anti-communiste, ne suffisait pas pour les besoins de la famille. Pendant un an j'ai travaillé à la Mission Militaire britannique dans le sud de la Russie, d'abord comme employé de bureau (messenger-boy), puis comme interprète au Service de Santé. Séparé de mes parents par les bolchéviques et ne voulant pas me soumettre au joug communiste, j'ai quitté la Russie avec l'école militaire des Cadets du Don, à l'âge de 15ans 1/2, après la défaite de l'Armée blanche du Général Denikine (mars 1919). Après un court séjour à l'île de Lemnos où j'ai travaillé en qualité d'infirmier chef et d'interprète dans un hôpital de contagieux, j'ai repris mes études secondaires à l'école russe des cadets du Don, en Egypte. En 1922 un comité américain privé (présidé par Mr. WXhittemore, un savant égyptologue) m'a donné une bourse d'études et j'ai continué mes études à l'Université Américaine de Beyrouth où j'ai obtenu le certificat d'études secondaires et le P.C.N. J'aurais pu continuer mes études en Amérique du Nord ou en Allemagne, mais je voulais venir en France attiré par le rayonnement de la culture et de la science françaises. En 1923 j'ai obtenu dudit comité une bourse pour continuer mes études universitaires en France, et j'ai fait la traversée en travaillant comme garçon de buffet. En France j'ai fait toutes mes études de médecine à la faculté de médecine de Stasbourg, de 1926 à 1936(5 années d'études de médecine, 5 années d'internat et 3 ans de clinicat);
J’avais fait ma demande de naturalisation en 1928. N'ayant pas reçu de réponse pendant plusieurs mois, j'ai adressé une demande en indiquant que je tenais à faire mon service militaire, et ceci le plus tôt possible. Naturalisé français le 3 octobre 1929 ( art.6 paragraphe 1 de la loi du 10 août 1927;n° 104437x 28° J'ai passé le conseil de révision à Strasbourg au printemps 1930. Ayant fait deux demandes à Mr le Ministre de la guerre, j'ai pu faire mon service militaire au Maroc (octobre 1930- août 1931). En 1936 j'ai terminé mon clinicat. J'avais fait des études très longues parce que j'avais l'intention de ma consacrer à la science. Les fatigues de mon service militaire au Maroc (participation aux opérations militaires dans le Sahara marocain et dans le grand Atlas) ayant altéré ma santé, j'ai dû renoncer à l'idée de poursuivre ma carrière universitaire. Après quelques semaines d'études à Paris où j'ai suivi l'enseignement des maîtres parisiens d'ophtalmologie, je me suis installé à Toulon le 1er juillet 1936. Au mois de mai 1936, j'ai fait un voyage d'études en Angleterre et au mois de décembre 1936 en Italie (bourse de voyage de la société d'ophtalmologie de Paris). Le 25mai 1939, j'ai épousé une jeune infirmière toulonnaise, Marie-Louise-Octavie Arnaud, d'une très vielle famille française catholique, fille de m. Louis Arnaud, ancien instituteur, viticulteur, officier du mérite agricole, et de sa femme, née Bachelot. Nous étions mariés à la mairie de Toulon, en l'église ste Jeanne d'Arc et à l'église orthodoxe de Toulon. Le 22 mars 1940, nous avons eu un fils baptisé Alexandre en l'église ste Jeanne d'Arc le 28 avril 1940. Tout en ayant des convictions anti-communistes, je ne me suis jamais occupé de la politique, considérant que la science et le traitement de mes malades remplissaient suffisamment ma vie. J'ai toujours eu à coeur de remplir scrupuleusement mes devoirs de bon citoyen envers un pays que j'aime, qui m'a accueilli lorsque j'étais apatride, où j'ai fait toutes mes études de médecine, mon service militaire et où j'ai aujourd'hui toutes mes attaches, ma femme et mon fils et je n'ai jamais fait partie d'aucune société.