Le Nouvel An et Noël se profilent à l’horizon. Nous allumons des bougies, décorons le sapin, préparons le menu de la fête et sommes en quête de nos films préférés.
En Russie, le Nouvel An et le film « L’Ironie du sort » vont de pair. Tout le monde connaît ce film, anticipe les répliques cultes devenues des aphorismes et chaque Nouvel An toute la famille s’installe devant la télé pour le regarder. La préparation de la salade « Olivier » cette fameuse salade russe se fait souvent pendant la projection du film « L’Ironie du sort ». Cette tradition se perpétue d’année en année depuis 40 ans.
Et bien sûr, les chansons de ce film sont devenues de véritables succès, comme la chanson « Il me plaît… » (Mne nravitsa).
Paroles Traduction
de Marina Tsvetaieva de Sarah P. Struve
Мне нравится, что вы больны не мной, Il me plait que vous ne soyez pas épris de moi, Мне нравится, что я больна не вами, Il me plait que je ne sois pas éprise de vous, Что никогда тяжелый шар земной Que jamais le lourd globe terrestre, Не уплывет под нашими ногами. Ne s’effacera de dessous nos pieds.
Мне нравится, что можно быть смешной — Il me plait de pouvoir être drôle, Распущенной — и не играть словами, De ne pas jouer des mots et de me laisser aller, И не краснеть удушливой волной, Et de ne pas rougir d’une vague d’étouffement, Слегка соприкоснувшись рукавами. Lorsque s’effleurent nos mains, légèrement.
Мне нравится еще, что вы при мне Il me plait aussi, que devant moi, Спокойно обнимаете другую, Vous enlaciez une autre, tranquillement, Не прочите мне в адовом огне Ne me rejetez pas dans le feu de l’enfer, Гореть за то, что я не вас целую. Brûler, parce que ce n’est pas vous que j’aime,
Что имя нежное мое, мой нежный, не Et que mon tendre nom, mon tendre, vous Упоминаете ни днем, ни ночью — всуе... Ne le prononcerez ni le jour, ni la nuit, illusoirement... Что никогда в церковной тишине Que jamais dans le silence d’un sanctuaire, Не пропоют над нами: аллилуйя! Alléluia ! Ne sera chanté au-dessus de nous
Спасибо вам и сердцем и рукой Merci à vous du cœur et de la main За то, что вы меня — не зная сами! — De ce que - sans me connaître! - vous Так любите: за мой ночной покой, M’aimez tant: pour mon repos nocturne, За редкость встреч закатными часами, Pour la rareté des rencontres aux heures du couchant
За наши не-гулянья под луной, Pour nos non-promenades sous la lune, За солнце, не у нас над головами, — Pour le soleil, au-dessus des têtes, mais pas pour nous, За то, что вы больны — увы! — не мной, Parce que vous êtes épris - hélas! - non pas de moi, За то, что я больна — увы! — не вами! Parce que je suis éprise - hélas! – non pas de vous!
Traduction de Vladimir Sergueev
J’aime bien quand vous n’êtes pas malade de moi
J’aime bien aussi ne pas tomber malade
Et que la Terre reste sous nos pas
Qu’elle ne change pas son éternelle balade
J’aime bien jouer au clown, paraître drôle,
Frivole, sans équivoque et sans méfiance
J’aime bien ne pas rougir quand je vous frôle
Légèrement la manche, sans arrogance
...
Je suis reconnaissante, corps et âme,
Quand vous m’aimez sans même le savoir
Quand vous êtes si loin de tous mes drames,
Et quand je reste sans vous tous mes soirs
Et vous ne partagez le macadam
De mes promenades nocturnes sans escapades
Quand vous, hélas, n’êtes pas malade de moi
Quand moi, hélas, je ne suis pas malade...
Le poème de Marina Tsvetaieva « Il me plait… » (« Mne nravitsa shto vy bolny nie mnoï ») est devenu célèbre grâce au film « L’Ironie du sort » (« Ironia sudby ili s legkime parom ! ») où l’actrice Barbara Brylska « chante » une romance sur ce poème avec la voix d’Alla Pougatcheva, chanteuse peu connue à cette époque.
Le 1 janvier 1976 le pays entier a regardé à la télé ce film d’Eldar Riazanov. Dans le scenario d’Emile Braguinski et de Riazanov on peut lire :
« Bon, je vais vous chanter une chanson– consentit Nadia, - Même si vous ne le méritez pas.
Et elle interprète d’une voix douce ce magnifique poème de Tsvetaieva :
Il me plait que vous ne soyez pas épris de moi,
Il me plait que je ne sois pas éprise de vous,
Que jamais le lourd globe terrestre,
Ne s’effacera de dessous nos pieds.
Il me plait de pouvoir être drôle,
De ne pas jouer des mots et de me laisser aller,
Et de ne pas rougir d’une vague d’étouffement,
Lorsque s’effleurent nos mains, légèrement.
Merci à vous du cœur et de la main
De ce que - sans me connaître! - vous
M’aimez tant: pour mon repos nocturne,
Pour la rareté des rencontres aux heures du couchant
Pour nos non-promenades sous la lune,
Pour le soleil, au-dessus des têtes, mais pas pour nous,
Parce que vous êtes épris - hélas! - non pas de moi,
Parce que je suis éprise - hélas! – non pas de vous! »
Traduction : Sarah P. Struve
Cette dernière strophe n’est pas interprétée dans le film :
Il me plait aussi, que devant moi,
Vous enlaciez une autre, tranquillement,
Ne me rejetez pas dans le feu de l’enfer,
Brûler, parce que ce n’est pas vous que j’aime,
Et que mon tendre nom, mon tendre, vous
Ne le prononcerez ni le jour, ni la nuit, illusoirement...
Que jamais dans le silence d’un sanctuaire,
Alléluia ! Ne sera chanté au-dessus de nous
La musique a été composée par Mikaël Tariverdiev, compositeur de douze chansons sur les paroles de Tsvetaieva dont six ont été choisies pour le film. C’est Alla Pougatcheva, encore peu connue à l’époque, qui a été sélectionnée pour interpréter cette chanson.
MARINA TSVETAEVA
Ce magnifique poème a été inspiré par un fait longtemps gardé secret.
Ce n’est qu’en 1980 que le secret a été dévoilé, Anastasia, la sœur de Marina Tsvetaeva a révélé l’origine de ce poème dédié à son deuxième mari Mavrikiy Mintz. En 1915, les deux sœurs ont divorcé après un premier mariage et élèvent leurs enfants en faisant abstraction de leur vie privée. Anastasia se souvient que Mavriki lui rend visite apportant avec lui une lettre de leurs amis communs. Il passe toute la journée en sa compagnie. Les jeunes gens discutent de littérature, peinture, musique et découvrent qu’ils ont beaucoup d’affinités. Mavriki charmé par la beauté d’Anastasia demande la jeune femme en mariage. Mais voilà qu’il fait la connaissance de Marina âgée alors de 22 ans et il est impressionné par le personnage et le talent de la poétesse. Anastasia se souvient que Mavriki Mintz était attiré par Marina et admiratif du don de la poétesse. Marina Tsvetaieva rougissait sous le regard du jeune homme. Leur attirance réciproque ne s’est pas métamorphosée en amour, Mavriki étant déjà fiancé avec Anastasia. Le poème « Il me plaît… » est la réponse poétique aux rumeurs qui circulaient parmi les amis et les proches qui supputaient des relations amoureuses dans la famille Tsvetaieva. Marina, d’une manière délicate et poétique, a mis un terme à cette histoire brûlante, même si elle avouait être passionnément amoureuse du fiancé de sa sœur.
Quant à Anastasia, jusqu’à la fin de sa vie était persuadée que sa sœur qui tombait facilement amoureuse et ne pouvait feindre ses sentiments avait tout simplement fait preuve de noblesse. Pour elle, poétesse brillante et une des plus grandes figures de la littérature russe de la première moitié du XX siècle, auteur déjà de deux recueils de poèmes, il était facile de gagner le cœur de n’importe quel homme sans parler d’un « petit juif roux au nom bizarre ». Marina n’a pas voulu blesser sa sœur et en a même tiré une leçon pour toute sa vie : l’amour et la passion qui ressemble plutôt à une maladie sont deux choses différentes. La maladie se guérit alors que les véritables sentiments perdurent , la preuve, le mariage heureux mais bref d’Anastasia et Mavriki qui a duré 2 ans. L’homme à qui le poème « Il me plaît… » était consacré est mort en 1917 des suites d’une appendicite. Anastasia ne s’est jamais remariée.